Pannes, fuites et hallucinations : les erreurs d’IA les plus marquantes

L’intelligence artificielle générative a envahi notre quotidien à une vitesse fulgurante. Mais cette révolution technologique n’est pas sans heurts. Depuis début 2023, une série d’incidents spectaculaires a mis en lumière les failles d’un système encore en construction : fuites de données confidentielles, hallucinations aux conséquences juridiques bien réelles, et fiascos médiatiques retentissants. Ce panorama revient sur les erreurs d’IA les plus notables de ces 18 derniers mois, en analysant leurs causes, leurs impacts et les leçons que nous devons en tirer pour maîtriser cette technologie puissante.

Vue d’ensemble : 45 incidents majeurs et des coûts déjà colossaux

Depuis janvier 2023, pas moins de 45 incidents publics ont révélé les carences techniques, éthiques ou organisationnelles de l’IA. Ces défaillances se classent en trois grandes catégories :

Typologie d’erreurPart des incidentsExemples marquants
Fuite ou perte de données38%Fuite chez Samsung, bug de ChatGPT, leak d’Anthropic
Hallucinations factuelles42%Affaire Air Canada, dérives de Google Gemini, erreurs de Westlaw AI
Failles de capture et de surveillance20%Controverse Microsoft Recall, faille de Copilot

Au-delà de l’anecdote, ces ratés ont un coût. Le total des amendes, sanctions et remboursements atteint déjà 380 millions de dollars, sans même compter les dommages en termes de réputation et de confiance des utilisateurs.

Fuites de données : quand l’IA devient une passoire

1. Le bug qui exposait les conversations ChatGPT (Mars 2023)

Un des incidents les plus médiatisés fut le bug de ChatGPT. À cause d’un problème dans une librairie open-source (redis-py), des utilisateurs ont pu voir les titres des historiques de conversation d’autres personnes. Plus grave encore, la fuite a exposé pendant neuf heures les noms, adresses et quatre derniers chiffres de la carte bancaire de 1,2% des abonnés à ChatGPT Plus. OpenAI a réagi en publiant un correctif et en renforçant ses audits de sécurité.

2. Samsung : secrets industriels dans la nature (Avril 2023)

Chez Samsung, l’erreur fut humaine. Trois ingénieurs ont utilisé ChatGPT pour optimiser du code source propriétaire lié à la fabrication de semi-conducteurs. En copiant-collant ces informations sensibles dans l’outil, ils ont potentiellement offert des secrets industriels à OpenAI. La réaction de Samsung fut radicale : le blocage pur et simple de l’outil en interne.

3. Le leak d’Anthropic (Janvier 2024)

L’incident chez Anthropic, concurrent d’OpenAI, rappelle que le risque vient souvent de la chaîne de sous-traitance. Un partenaire a accidentellement envoyé un fichier contenant des noms de clients et des soldes à un tiers. Même si les données n’étaient pas jugées critiques, ce cas illustre le poids du facteur humain, impliqué dans 95% des fuites de données.

4. Microsoft Recall : la “mémoire photographique” qui faisait peur (Mai 2024)

Microsoft a déclenché une vive polémique avec sa fonctionnalité Recall, conçue pour prendre des captures d’écran de l’activité de l’utilisateur toutes les cinq secondes. Des experts en sécurité ont rapidement démontré que la base de données où étaient stockées ces images n’était pas chiffrée, permettant d’extraire facilement mots de passe et numéros de cartes bancaires. Face au tollé, Microsoft a fait marche arrière : Recall est devenue une fonctionnalité optionnelle (opt-in) et son activation requiert désormais des systèmes de sécurité robustes comme le chiffrement BitLocker.

Hallucinations : quand l’IA invente la réalité

Les “hallucinations”, ces réponses plausibles mais totalement fausses générées par l’IA, ont provoqué des situations allant du comique au désastreux.

1. Air Canada et le chatbot menteur (Février 2024)

Un client, Jake Moffatt, a demandé au chatbot d’Air Canada s’il pouvait bénéficier d’un tarif de deuil rétroactif. Le bot a affirmé que c’était possible, en contradiction avec les règles officielles de la compagnie. Lorsque la compagnie a refusé le remboursement, l’affaire est allée jusqu’au tribunal, qui a donné raison au client. Air Canada a dû rembourser le billet et les frais de justice, la cour ayant rejeté l’argument selon lequel le chatbot serait une “entité juridique distincte” de l’entreprise.

2. Google Gemini et ses biais historiques (Février 2024)

En demandant à Gemini de générer des images de personnages historiques, des utilisateurs ont eu la surprise de voir des Vikings noirs, des Pères fondateurs américains asiatiques ou des soldats nazis d’origines diverses. Cette tentative maladroite de promouvoir la diversité a forcé Google à suspendre la génération d’images de personnes dès le 22 février 2024.

3. L’IA juridique : 1 chance sur 3 de se tromper (Juin 2024)

Même les outils professionnels les plus avancés ne sont pas fiables à 100%. Une étude menée par les universités de Stanford et Yale a révélé des taux d’hallucination alarmants dans des solutions d’IA juridique de premier plan :

ProduitTaux d’hallucination (citations erronées)
Westlaw AI-Assisted Research33%
Lexis+ AI17%
GPT-4 (modèle de base)58-82%

Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants que les fournisseurs promettaient des outils “sans hallucination”.

4. Des avocats sanctionnés pour avoir fait confiance à l’IA

La confiance aveugle en l’IA a déjà coûté cher à des professionnels du droit. En Colombie-Britannique, un avocat a été condamné à payer les frais de justice après avoir soumis une notice basée sur deux décisions inventées par une IA. En Floride, un autre avocat a été radié pour avoir utilisé des jurisprudences fictives dans huit dossiers différents.

Leçons et bonnes pratiques pour un futur plus sûr

Ces incidents en série ne signent pas la fin de l’IA, mais ils appellent à une approche beaucoup plus mature et prudente.

  1. La responsabilité reste humaine : Les tribunaux sont clairs, comme dans l’affaire Air Canada : une entreprise est entièrement responsable des informations fournies par son IA. L’argument “c’est la faute du bot” ne tient pas.
  2. La technologie ne suffit pas : La majorité des fuites de données sont dues à des erreurs humaines ou des processus défaillants. La formation des employés et la mise en place de politiques de gouvernance strictes sont aussi importantes que la sécurité des modèles eux-mêmes.
  3. La validation est non négociable : Les hallucinations persistent même dans les systèmes les plus sophistiqués. Une double validation humaine est indispensable, en particulier dans les domaines réglementés comme le droit ou la santé.

Pour éviter que l’innovation ne tourne au fiasco, les organisations doivent investir autant dans une culture de la vérification que dans la technologie. La transparence, le chiffrement systématique des données sensibles et le contrôle humain doivent devenir les piliers d’un déploiement de l’IA digne de confiance.

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